Bonjour tout le monde, je voudrais ma chambre

Valise en main, sac sur son dos et lunette sur le nez, pour une fois, Makoto dévisagea un moment l'endroit où il se trouvait à présent. Devant la pension Shiawase, il grimaça un petit moment, essayant de se persuadé que c'était mieux de vivre ici, avec plein de gens, qu'avec son père qui essayait de le convaincre de repartir vivre en Angleterre "non pas parce que tu déranges, simplement parce que ça sera bien mieux dans ton CV". Ou bien parce qu'il se disputait un peu trop avec le seul grand frère qui vivait encore à la maison, c'était à voir. Quoi qu'il en soit, la vie en communauté - même si ce simple mot le dégoutait légèrement - serait mieux que d'être avec sa famille et moins cher que d'avoir son propre appartement. Tout bénef', sauf que ça voulait dire côtoyer des gens qu'il ne connaissait absolument pas et qui pouvait être, hypothétiquement, insupportable. Comme lui quoi.

Décidant finalement de prendre son courage à deux mains, il entra dans la pension et chercha l'accueil. Bon, heureusement, elle était bien en vu. Il retira ses chaussures qu'il posa dans un coin, se disant qu'il les mettrait dans leur casier plus tard, quand il saurait dans quelle chambre il allait être logé.
Seul ombre au tableau, il n'y avait personne à l'accueil. Elle était purement et simplement vide. Bien ... Allait-il devoir apprendre à crocheter les serrures dès son premier jour ? Voilà qui était plaisant mais il avait toujours préféré avoir les clés de son appartement alors non, mieux valait attendre un moment que quelqu'un daigne arrivé. ça manquait un peu de sonnerie pour prévenir le personnel, et d'une boîte à idée aussi, il faudrait qu'il le propose. Et quoi de mieux pour attendre que de visiter les lieux en pestant quelques jurons dans une langue étrangère contre l'incapacité du personnel à vous servir ? C'est ainsi qu'il tomba sur le panneau d'information, et plus précisément sur une note, alors qu'il cherchait les offres de petits boulots. Voilà donc la raison de l'absence de personnel à l'accueil, il fallait aller chercher directement chez le gérant. Bien, chambre 1, nous voilà.

Après un moment à crapahuter dans les couloirs, maudissant leur invention et sa stupidité de ne pas avoir pris une canette de jus de fruits avant de commencer l'exploration, il trouva enfin la chambre numéro un, plein de mystère puisque le non moins mystérieux gérant l'habitait. Du moins, pour le moment car il était probable qu'aussitôt la porte ouverte, il n'y aurait plus rien de mystérieux et la chambre devant lui perdrait tout son charme. Mais malgré tout, il frappa à la porte, pressé de pouvoir poser son andouille de valise qui commençait à lui scier l'épaule. Il aurait dû écouter son frère et essayer les trucs à roulettes moderne et étrange.

Comme Meiji n'avait et ne voulait pas de bureau, c'est sa chambre qui en faisait d'office. Il avait mit une note concernant cela pour les nouveaux arrivants. N'ayant pas encore d'hôtesse d'accueil/Réceptionniste il devait donc se farcir le sale boulot de la remise des clefs en plus de son boulot à lui qui était tout le côté paperasse. Heureusement, il avait reçut le CV d'une jeune femme qui semblait être intéressait par le poste mais cela prendrait un peu de temps. Et donc en attendant... Le Meiji allait devoir travailler, lui qui pensait se la couler douce. Il était arrivé quelques jours avant la réouverture officielle de l'établissement histoire de se familiariser avec les lieux (et surtout avec la source d'eau chaude). Sa chambre était la plus grande (encore heureux, s'il n'y avait pas de privilège à être gérant à quoi bon?). Il avait donc en fait deux pièces pour lui, séparée par les portes en bois coulissantes classiques qu'il laissait la plupart du temps ouvertes. Dans la partie "Chambre" il y avait donc un futon, une grande étagères pour ses livres (et il faut pas se mentir certains étaient des livres pour "adultes" parce que oui il y avait des romans de ce genre), quelques bibelots et un katana. Dans la partie... "Salon/Bureau" il y avait une table basse, des coussins, une bibliothèque (qui pouvait se fermer à clef) pour y mettre les dossiers des locataires et autres paperasses et... Un mini frigo.

Il fallait savoir que chez ce jeune homme, le saké était sacré. Il lui fallait sa petite goutte tous les soirs (et au matin aussi... Et dans l'après midi...). Enfin bref, il aimait boire et fumer aussi. Il avait passé tous ces après midi précédents à se prélasser dans son salon à se délecter de sa boisson et à transformer sa chambre en aquarium. Enfin bref, tout ça pour dire que Meiji était un grand fainéant mais qu'il allait quand même faire le boulot. Sans la moindre motivation certes. A moitié avachis dans son petit salon, il lisait un livre, tout ce qu'il y a de plus correct, en créant des ronds de fumée lorsqu'il entendit frapper à la porte. Il ferma mollement le livre, non sans avoir noté au préalable la page qu'il était en train de lire, et se leva sans aucun enthousiasme. Durant les quatre pas et demi qui le séparait de la porte, il se demanda si c'était un nouvel arrivant qu'il ne s'attendait pas à voir débarquer aujourd'hui. Mais il fallait bien des loyers pour entretenir la baraque. Il ouvrit donc la porte et une jolie surprise l'attendit. Un charmant jeune homme attendait là, une valise à ses pieds. C'était donc son premier pensionnaire? Il était gâté. Belle bouille d'étranger que voilà. Espérons qu'il parle japonnais... C'est donc avec un enthousiasme quasi absent qu'il entama la conversation.

" Salut, j'peux t'aider? "

Avec son sac trop lourd sur les épaules et sa valise même pas à roulette, Makoto était peu enclin à poireauté trois quart d'heure devant la porte et fut donc aussi peu disposé à compter les minutes qui s'écoulèrent entre le moment où il frappa et celui où il pu enfin rencontré le gérant de la pension. Non pas que cela fut vraiment long, simplement parce que, de temps en temps, on aimerait que ça aille plus vite et aujourd'hui était l'un de ces jours, en tout cas à ce moment précis. Cela était causé essentiellement par la fatigue du voyage qui, mélangé au caractère naturel du (futur) photographe, le rendait particulièrement peu patient et le poussa à penser "pas trop tôt" en voyant la porte s'ouvrir et le propriétaire des lieux apparaitre.

Maintenant qu'il le voyait, comme il l'avait pensé, il n'avait plus grand chose de mystérieux. Certes, il ne travaillait dans sa chambre au lieu d'être à l'accueil mais chacun ses délires, du moment qu'il ne foutait pas les gens dehors sans raisons, il pouvait bien travailler dans les toilettes s'il en avait envi. Il fut un peu surpris, malgré tout, de la question qui lui fut posé. Il lui semblait logique qu'il n'était pas là pour lui vendre des biscuits et que, donc, c'était parce qu'il avait besoin d'un peu d'aide, en effet. D'ailleurs, en parlant de cela, il faudrait qu'il se tienne au parfum en se qui concernait le règlement, même si ça ne l'empêcherait certainement pas d'en faire qu'à sa tête, comme toujours.

"J'en ai bien l'impression, oui."

Il avait marqué une pause un peu longue avant de répondre à la question du gérant dont il ignorait toujours le nom, et il se doutait un peu que ce n'était pas Shiawase, malgré le nom de la pension, et elle n'apportait, en plus, au final, pas grande précision. Ce n'était pourtant pas dans le but de ne faire poireauter sur le palier de sa propre chambre, c'était simplement qu'il n'était pas encore parvenu jusqu'à son cerveau qu'il faudrait peut-être qu'il pense à lui dire comment il pouvait aider. Et quand, enfin, cela lui apparut, il repris là où il s'était arrêté :

"Je me demandais si vous aviez une chambre de libre pour une personne et pour une durée assez longue, au moins un an je pense."

Mieux valait prévoir large au cas ou des touristes aient réservé la dernière chambre pour dans six mois, afin d'éviter de se retrouver à la rue à ce moment là. Et en disant qu'il comptait rester, en l'embêterait peut-être un peu moins sur le moyen de payement.